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Travaux 2015 : explications !

Travaux 2015 : explications !

Une page explicative concernant les travaux 2015 sur Chaley pour essayer de mieux comprendre le pourquoi de tant de remaniement.

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Les principales raisons.

Entre 1750 et 1850, l’homme a commencé à réellement s’installer dans le village (et la vallée). Le seul outil dont disposait à ce moment l’Homme était l’agriculture plus qu’extensive. Afin de pouvoir cultiver au plus juste et rendre le moins aléatoire possible le résultat de ses cultures (sa survie directe en dépendait), l’homme a travaillé le fond de vallée, et a transformé la plaine alluviale de Chaley en terrain de culture.

Pour cela, il s’est servi de ce dont la nature lui avait mis à disposition : des pierres et de l’eau. Rassemblant les pierres sous forme de mur, poussant la rivière, la remblayant, éliminant les risques récurrents d’inondabilité des terrains, il la domestiqua jusqu’à ce que la rivière ne déborde quasiment plus, arrêtant d’inciser ses berges.

L’homme dynamita les roches qui jonchaient la rivière issues des falaises toutes proches, risquant là aussi d’augmenter la probabilité d’inonder les terres cultivables. En parallèle, il ouvrit des bras pour irriguer ces mêmes terrains qui ne recevaient plus les crues.

L’homme maîtrisait donc la plupart du temps les débits et pouvait ainsi se développer.

Les conséquences.

Pendant plusieurs dizaines d’années, ces aménagements ont servi à l’installation de l’homme, et à partir de l’après guerre (1945), les usines ayant fait leur apparition et l’exode rural qui s’en est suivi, à vu tout ce système péricliter. Les bras latéraux se sont fermés, les prairies abandonnées, les milieux aquatiques se sont refermés. Le plus grave reste sans nul doute l’enfoncement du lit de la rivière puisque celle-ci ne pouvait plus aller chercher les alluvions qu’elle prenait avec tant d’engouement. Les curages réguliers qu’elle a subit dans les années 80-90 a précipité cet enfoncement. Ce dernier a complètement déstabilisé la rivière malgré la présence de seuils destinés à pousser l’eau vers les prairies. Systèmes racinaires à nu, pierres ensevelies, causes de la diminution du nombre de caches dans la rivière et donc du nombre de poissons. L’enfoncement a eu pour effet également de ne laisser au fond du lit que des alluvions de tailles grossières, inaptes au creusement des frayères pour des poissons de toutes tailles. Un taux de reproduction altéré à cause de la granulométrie.

La rectification du lit et le fait que la rivière ne puisse plus évoluer librement a diminué l’autoépuration car les graviers ont un fort potentiel épurateur. La nappe phréatique d’accompagnement s’est abaissée du fait de l’enfoncement du lit et bien entendu les périodes d’étiage s’en sont trouvés aggravées.

Le remède.

Difficile, lorsque l’on connaît tous ces bouleversements, d’intervenir, surtout lorsque des générations d’hommes se sont succédés, ont vécu là, ont profité de cette nature. Des propriétaires attachés à leur terrain surtout d’un point de vue sentimental.

Pourtant, réflexion faite, seul l’achat de ces terrains pouvait permettre un retour en arrière de deux siècles, les travaux à réaliser étant trop destructeurs par rapport à la situation actuelle des parcelles. C’est là que la gestion de l’aappma depuis de nombreuses années rentre en jeu. La préservation de l’Albarine, la communication faite autour des travaux et l’explication quasi-journalière effectuée par l’aappma non seulement à ces pêcheurs mais aussi et surtout à ces riverains portent leurs fruits. Même si les riverains de la rivière ne sont pas forcément pêcheurs, ils n’en sont pas moins indifférents aux dizaines d’interventions que l’aappma a réalisé avec tant de motivation depuis des années.

Car, vous vous doutez, acheter entre 3 et 4 hectares d’un seul tenant découpés en une quarantaine de parcelles et presque autant de propriétaires n’est pas une mince affaire. C’est là toute l’importance de l’échelon local, bien au dessus de l’échelon départemental, bien incapable de réaliser de tel investissement humain car trop éloignés des relations humaines qui peuvent exister entre nous gestionnaires et les gens qui vivent dans notre vallée. D’où notre isolement de plus en plus marqué vis-à-vis de cet échelon départemental, qui même professionnel ne voit pas la finalité de nos démarches. Dommage !

Oui, mais voilà, ces terrains, au bout d’un an et demi de tractation nous ont bel et bien été vendus. C’est donc là un des principal freins qui a été levé. Reste désormais à réaliser les plans, les relevés, les autorisations administratives (dossiers, enquête publique), les appels d’offres…Pour ne pas perdre de temps, tout ce travail a été réalisé en parallèle par et avec le contrat de rivière, ce qui fait qu’en même temps que nous finalisons l’achat des terrains, nous sommes en mesure de lever les autres freins pour la réalisation des travaux.

C’est alors que le grand chamboulement peut avoir lieu : création des nouveaux méandres, rehaussement du fond du lit, habitats, repositionnement des blocs d’éboulis,…

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Emplacement du futur lit. Difficile d’imaginer que la rivière est passée par là à une époque et qu’elle va à nouveau pouvoir y revenir traîner ses méandres.

On passe alors d’un système qui avait l’air naturel mais pourtant totalement anthropisé à un système qui , évidemment n’aura pas le tracé de 1750, mais qui, d’années en années aura tout le loisir de n’en faire qu’à sa guise. Sur ce secteur qui ne dispose pas de contraintes routière, agricole et ferroviaire, c’est une aubaine que nous n’avons pas encore eu jusqu’à maintenant. Et quelle aubaine ! Situé en tête de bassin versant, en pleine zone alluvionnaire, cet aménagement a le cadre idéal pour apporter à l’Albarine tout ce dont elle a besoin. D’ailleurs, pour économiser les coûts et disposant de tout ce dont nous avons besoin sur place (c’est l’avantage d’être propriétaire), logiquement aucun apport ne sera fait de l’extérieur.

Les travaux entrepris notamment en 2012 (Argis), mais aussi en 2013 (Chaley) nous apportent l’expérience nécessaire à de tels travaux. Car bouger la rivière, c’est bien, encore faut-il que tout cela soit fait dans les règles de l’art. Une attention toute particulière est apportée pour ne pas diminuer l’habitat piscicole dans les tronçons travaillés. Car trop souvent, et même si ces travaux revêtent un intérêt capital, l’habitat piscicole est souvent mis de côté ou tout du moins n’est pas remis à la hauteur. Souvent il faut attendre des années avant que la rivière ne redonne aux populations piscicoles leur grandeur. Donc et vous vous doutez, pas question pour nous d’attendre des années. Les travaux terminés, les populations doivent être conformes au reste du linéaire. Mais tout ceci se marie très bien avec le reste (alluvions, végétaux, dynamique de la  rivière…) et sont même un complément indispensable dans le jeu de cette dynamique de cours d’eau.

Des travaux qui coûtent de l’argent !  Mais qui restent bien maigres comparé aux millions de francs (voire aux milliards) investis pendant des décennies pour la destruction de nos cours d’eau. D’ailleurs on voit ce que cela donne depuis que l’on contraint nos cours d’eau et que l’on réduit les zones inondables, marais, …à peau de chagrin. Donc aucun remord, une partie d’argent public et de l’aappma tout a fait justifié pour une gestion à long terme et même à très long terme.

Minimisant au maximum l’impact au moment des travaux pour les utilisateurs de la rivière que nous sommes, et bien évidemment pour la rivière, touts les points sont traités afin de ne rien oublier. D’ailleurs, et ne pouvant tirer un trait sur deux siècles d’aménagements, certains secteurs de la rivière nous serviront de points d’appui. Tel par exemple le seuil qui aliment les canaux d’irrigation que nous avons reconstruits et qui produisent plus d’une centaine de frayères chaque hiver.

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L’amont du seuil…et côté mur, désormais l’Albarine arrivera par la gauche côté mur et non plus côté droit.

Ce seuil se situera du coup environ quatre vingt mètres en aval, conservant la stabilité de la rivière à cet endroit, un potentiel piscicole exceptionnel et une lône, ancien bras de l’Albarine, que nous réhabiliterons pour favoriser la biodiversité en ce point. Restant bien entendu une zone de refuge garantie pour les poissons en période de crue.

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La lône (à droite de la photo), inondée en hautes eaux, le sera davantage avec des débits beaucoup plus faibles.

La végétation sera conservée le plus judicieusement possible. Si une plaine alluviale est constituée par des essences de saules différents notamment, il n’en reste pas moins que des bouquets d’arbres abritant notamment des frênes seront conservés, formant ainsi des îlots entre autre et faisant bénéficier les bords de rivière d’une végétation apte à recevoir des espèces qui se développent davantage que sur des secteurs fraîchement renouvelés.

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Un partage de l’espace pour la biodiversité.

En effet, une plaine alluviale est une zone qui bouge et évolue, d’où la présence d’essences à croissance rapide et adaptée comme le saule.

Par contre, les arbres constituant une forêt à part entière sur certaines zones des parcelles acquises et les arbres constituant l’actuelle ripisylve seront coupés.

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Des peupliers ont été plantés dans ces zones depuis plus de 60 ans.

Aérer la plaine, la lône, replanter des plantes herbacés plus appropriées, ouvrir l’espace de liberté à l’Albarine pour s’exprimer. Essayant de travailler avec des entreprises locales, le bois devrait être destiné à du bois de chauffage et à l’alimentation de chaudières après déchiquetage. Le bois ainsi vendu par l’aappma permettra un apport d’argent servant à acheter d’autres parcelles en bordure de la rivière et évite ainsi au syndicat des dépenses d’abattage.

Les blocs qui ont été dynamités à l’époque provenaient des falaises surplombant les deux rives.

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Les falaises sont toujours là et les intempéries d’années en années les grignotent.

Mais depuis, d’autres blocs sont retombés, s’arrêtant çà et là, comme ils le pouvaient. Inutile de vous dire que ces blocs sont là aussi une aubaine. Ils seront évidemment réutilisés en l’état et remis au fond du lit. Des blocs conséquents (plusieurs tonnes), de formes bruts, d’où la nécessité de disposer d’engins eux aussi conséquents pour une telle mise en place (on ne déplace pas 10 tonnes avec une pelle de 18 tonnes ! ). Pour les amateurs d’engins de chantier, c’est aussi l’occasion de voir du matériel que l’on ne croise pas tous les jours et qui plus est au service de la rivière.

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Des blocs qui roulent depuis plusieurs centaines de mètres de hauteur, arrachant tout sur leur passage et s’arrêtant comme ils le peuvent !

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Les murs démontés seront eux aussi réutilisés pour le détournement de la rivière et la mise en place d’habitats.

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Plusieurs centaines de mètres de murs à écrouler.

Vu le potentiel de souches à dessoucher, il est fort probable que certaines finissent dans le nouveau tracé afin d’alimenter la capacité d’accueil piscicole.

Les alluvions présents de part et d’autre de la rivière actuelle sont une mine inépuisable pour que la rivière puisse se rééquilibrer et la présence de ces alluvions va renforcer de manière éloquente les zones de reproduction de cette partie de l’Albarine pourtant bien pourvue. Mais comme cité plus haut, certains secteurs disposent de graviers grossiers. C’est d’ailleurs pour cela que la reproduction dans les canaux latéraux que nous avons rouverts sont si utilisés, car ils disposent d’une granulométrie parfaite pour la reproduction. Ce dont la rivière va donc pouvoir se ré-accaparer.

Conclusion :

Cette reconfiguration se profilera sur plus de 250 mètres et donc environ 4 hectares.

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Depuis le pont de violette et jusqu’en amont de la commune, on peut dire que sur un si petit bassin versant, Chaley est un haut lieu de la restauration hydromorphologique de par sa situation et la longueur traitée.

Confirmation en images avec les travaux 2012 et 2013 :

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Des bancs alluvionnaires qui sont la base du processus de rééquilibrage de l’Albarine. En amont et en aval des travaux, un équilibre rendu possible grâce à une restauration de la rivière.

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Mise en eaux des bras secondaires.

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Et il reste encore du potentiel !

1 réponse

  1. Votre démarche est abosolument passionnante et sa vulgarisation d’une grande qualité. Bravo sur tous les points!

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