Alors que nous sommes en passe d’atteindre “le bon état” (puisque c’est sous cette dénomination que l’Europe s’exprime), c’est cette même Europe qui engage la France et l’incite à développer la recherche des gaz de schiste. D’un côté, on dépense de l’argent pour la protection des milieux et de la ressource en eau, et de l’autre on permet à certains d’effectuer des forages alors que ces mêmes milieux sont en état de marche après avoir investi des millions d’euros pour les restaurer (prélever sur nos impôts et sur nos taxes d’assainissement et d’eau potable, entre autres).
Pour bien comprendre la problématique liée à d’éventuels forages en milieu karstique, quelques explications.
Sans faire un cours de géologie, il nous reste dans le massif jurassien les reliques d’une mer retirée dans laquelle l’eau s’infiltre en permanence, altérant la roche, et qui, au bout de millions d’années, a donné de ce que l’on connaît tous : des milieux karstique d’une grande richesse et d’une grande diversité.
C’est ainsi que l’on distingue, dans notre énorme gruyère, des centaines de résurgences, dont certaines donnent une pérennité certaine à la rivière. C’est le cas des tuffières, phénomène de dépôt calcaire qui façonne a elles seul le parcours qu’il occupe. (Pour info, les photos ci-dessous font partie intégrante de l’arrêté préfectoral mis en place demandé entre autre par l’AAPPMA pour protéger ce type de milieu. Toutefois l’arrêté laisse une place beaucoup trop large à l’activité canyon dans ce type de milieu, c’est une affaire qui suit son cours.)
Des résurgences temporaires s’ajoutent en périodes de pluie, où l’eau s’écoule parfois après avoir fait plusieurs kilomètres dans un labyrinthe profond qu’elle creuse un peu plus chaque année. Souvent situé au pied d’une paroi, creusant dans la roche la plus tendre et laissant affleurer la roche la plus dure.
Sur l’Albarine, toute sa richesse tient principalement en une résurgence, comme souvent dans ce type de milieu (la Loue par exemple). Donnant un débit constant à la rivière, ces résurgences sont l’organe vital de tout le bassin versant, milieu aquatique et alimentation en eau potable compris ( l’Albarine dessert en eau potable plus de 20 000 personnes).
Sont associés évidemment à cet écosystème fragile toute une faune et une flore qui ne demande qu’à vivre en paix, du papillon au faucon pèlerin.
Si dans le secteur tout le monde s’est positionné contre les gaz de schistes, des maires, au Conseil Général en passant par la Région Rhône-Alpes, on a toujours l’impression qu’en haut lieu on nous prend pour des c… ! Qu’est-ce qui peut bien prévaloir, bien au-delà de notre sport favori, davantage que des milieux aquatiques qui fonctionnent et nous fournissent de quoi boire et par conséquent de quoi vivre.
Lorsque l’on connaît les dégâts qu’un seul forage peut commettre dans un milieu aussi fragile que le karst, on ne peut être qu’effarer devant d’éventuelles autorisations délivrées par nos têtes pensantes de la région parisienne. Lorsque l’on connaît les dégâts considérables que ces forages ont causé aux Etats-Unis (çà dépasse même l’entendement), nous devrions nous dire qu’avec de pareils résultats, nous devrions bien nous garder de faire comme nos voisins d’outre-Atlantique. Eh bien non !
Un forage peut détruire en un jour ce que la nature a mis des millions d’années à créer et que certains ont préservé durant des décennies. Forer dans du karst revient à faire fuir en profondeur l’eau qui s’écoule en sous-sol dans différentes strates, et qui ressort parce qu’elle croise un banc d’argile ou une roche plus dure, sous la forme de résurgences. Percer cette argile ou cette strate revient à perdre à jamais cette eau. Plus d’eau, plus de rivière !
L’eau, un élément vital pour l’homme ? Allons donc ! Nous espérons que nos têtes pensantes parisiennes auront soif. Et qu’à la place d’une eau bien fraîche, il pourront toujours se rafraîchir en essayant de boire ce qu’ils pensent retirer du sous-sol. Nous en sommes tout de même à assécher des portions de notre pays pour contenter quelques personnes qui tireront profit de ces gaz, puis qui partiront après avoir tout dévaster. Le commentaire pourrait être surréaliste si ce n’était pas déjà arrivé au canada pour ne citer que cet exemple.
Il y a des choses qu’on ne peut laisser passer, et si certains sujets nous amusent, celui-là en tous les cas ne nous amusent pas, que ce soit chez nous ou chez les autres.
Même si actuellement c’est le statu quo, nous gardons un œil ouvert sur ce que peut parfois engendrer la pensée humaine !