Parcours entre Chaley et Saint-Rambert-en-Bugeycarte de france

Le poisson volant…

Le poisson volant…

Cet article ne sera pas, comme à l’accoutumée, un article où, malgré les difficultés rencontrées, l’aappma tente de garder à flot ses populations piscicoles.

En effet, depuis 30 ans, l’aappma a été confrontée, comme beaucoup d’autres, à bien des problèmes. Pollutions domestiques ou industrielles, quelques pollutions par le biais de l’agriculture, engagement contre certaines pratiques de sports d’eaux vives qui se pratiquent à outrance sur des milieux fragiles, bataille en rangs serrés au sein des acteurs du territoire pour faire entendre notre loisir, engagement depuis 1999 dans le contrat de rivière pour la réalisation technique globale qui a permis d’aboutir aux masses piscicoles présentes aujourd’hui, tir des cormorans, travail sur le réchauffement climatique, lutte contre le braconnage, travail de fond avec les microcentrales présentes sur la bassin versant, travail quotidien pour l’entretien de la rivière notamment en terme de déchets…………………………………….Tous ces problèmes, l’aappma les a affrontés en face pour que vous pêcheurs, puissiez pratiquer votre sport, qui n’est autre, au final, que la déclinaison du bon état écologique des rivières. Un bon état tant prôné par les instances et structures d’aujourd’hui, et qui en embête bien d’autres.

Sur la partie amont de l’Albarine, le bon état écologique n’est pas un mythe. La gestion patrimoniale a permis cet état de fait. Mais depuis quelques temps, et notamment depuis cette année, ce bon état écologique est en train d’être remis en cause. Non seulement il est remis en question, mais il risque à très court terme de disparaître.

Aujourd’hui, l’Albarine dispose de truites de souches méditerranéennes exceptionnelles, attesté par les derniers prélèvements génétiques, et d’une croissance boostée par une qualité d’eau retrouvée. La réglementation a toujours favorisée l’équilibre entre la conservation et le prélèvement par le biais de divers arrêtés permettant cet état de fait. Et cette réglementation et cette gestion pointue peuvent encore évoluer.

Tout çà pour vous dire qu’après des années d’efforts, une certaine symbiose s’est installée entre tous, pour les bienfaits de l’homme et de la biodiversité.

Oui, mais voilà, c’était sans compter sur le réchauffement climatique qui induit énormément d’effets indirects et néfastes, et fait que certaines espèces se retrouvent dans des niches écologiques où elles n’ont rien à y faire, et qui explosent, provoquant des déséquilibres irrémédiables, aidé par l’homme dans certains cas.

Des espèces qui étaient en latence, et qui, d’un coup se multiplient, changent de comportement, preuve que quelque chose ne tourne pas rond, et qu’à la base, la nature ne travaille pas comme çà. Elle a mis des centaines d’années à s’équilibrer, et on ne pas dire que quand une espèce, si tant est qu’elle retrouve soi-disant sa place, est capable d’anéantir des écosystèmes entiers, qu’elle représente l’équilibre. Et surtout sur des écosystèmes fonctionnels. Car on pourrait s’avancer en disant que certains milieux étant en grande difficulté, l’arrivée de certaines espèces que l’on pourrait alors classer d’invasives ou pas, finissent de détruire ces milieux. Ce n’est pas le cas sur l’Albarine.

Depuis maintenant une dizaine d’années, se rajoutant à la présence des cormorans avec déjà une très forte capacité de prédation, est apparu un oiseau strictement piscivore : le harle bièvre.

Nous nous n’étendrons pas sur le sujet concernant la taille de cet oiseau et tout le reste, internet est là pour çà…Ce qui nous préoccupe, c’est son irascible appétit et sa présence désormais continue dans la rivière et sa vitesse de développement.

Cet oiseau est capable à lui seul d’effondrer des cheptels piscicoles. Sa prédation sur l’ensemble des classes d’âge est telle, que la régénération de la chaîne alimentaire est impossible. Ce qui prouve que cet oiseau est capable de déséquilibres qui n’existent pas naturellement dans la nature. Sinon, il y a longtemps que les truites auraient disparues des rivières. D’ailleurs, sa concurrence est telle qu’elle pourrait compromettre la survie d’autres espèces comme le héron ou le martin pêcheur.

Cette espèce est protégée. Elle l’a été en son temps parce que nécessaire. Ce qui est tout à fait compréhensible. Mais aujourd’hui, son impact sur le reste de la biodiversité dans son ensemble fait que l’on doit porter un tout autre regard vis-à-vis de cette espèce.

Alors que les rivières sont au plus mal, on rajoute encore un prédateur supplémentaire ! Mais quelle est donc cette logique qui consiste à ne pas s’occuper de toute la chaîne alimentaire ? On nous dit que pour la nature fonctionne, il faut que les populations d’êtres vivants du plus petit au plus gros soient équilibrées sinon tout s’écroule ! On sait tous que les rivières sont agressées de toutes parts (prélèvements d’eau, sécheresse, pollutions…), que les invertébrés, le phytoplancton et donc les poissons qui habitent dans ces milieux sont en train de disparaître, et on croit bon de remettre en service un prédateur extrêmement puissant dans cette chaîne alimentaire à l’agonie ! Parce que c’est un oiseau, il a le droit de vivre au détriment des poissons ? Faudrait-il que les poissons volent pour qu’ils soient respectés davantage ? Croire que les poissons ne participent en rien à l’équilibre des milieux aquatiques, et penser qu’il suffit qu’un oiseau piscivore vole pour survivre, est une idée bien restreinte du fonctionnement de la nature. Il arrivera forcément un jour, où sans poisson, et on y va tout droit, ces oiseaux là crèveront de faim.

Sur l’Albarine, il y a un exemple très parlant. Depuis que l’assainissement a été réalisé, les populations d’insectes aquatiques ont explosé. Ces invertébrés sont une manne incroyable pour les chauves souris le soir et les bergeronnettes des ruisseaux qui sont inféodées strictement à ces insectes. Nous sommes heureux de les voir s’épanouir dans un milieu naturel qui leur appartient et qui, surtout, ne provoque pas de déséquilibres malgré leur augmentation. Tout cela parce que leur prédation ne détruit pas mais régule la chaîne alimentaire. Mais le plus surprenant, et si tout le monde vient aujourd’hui faire des photos de ces oiseaux et notamment des cingles plongeurs qui sont aussi friand d’une eau de qualité et des insectes qui y vivent, les pêcheurs ont été les seuls, et on dit bien les seuls à monter au créneau pour que toutes les communes construisent des stations d’épuration afin que la nature revive. Très bizarrement, nous n’avons jamais vu personne aux réunions de chantier avec les entreprises et les communes, lors de la pose des tuyaux, de canalisations d’eaux usées, de réglage de déversoirs d’orages…Certains nous diront ce n’est pas notre rôle ! Est-ce bien aux pêcheurs plus qu’à d’autres de régler les déversoirs d’orages ? Sûrement pas ! Mais l’aappma l’a fait bien consciente que si on veut avoir un milieu fonctionnel, il faut mettre les mains dans le cambouis !

De tout ce travail dépendent le vol de milliers d’insectes et bien d’autres ! Et les poissons aussi aujourd’hui s’envolent dans le ventre bien rempli de ces oiseaux qui emportent avec eux nos truites et nos ombres de souches méditerranéennes en quantité industrielles que l’on a eu tant de mal à faire revenir. En quantité telle pour mettre en péril leur descendance ! Les plus grosses biomasses au sein des milieux aquatiques sont représentées par les poissons. Ce qui est logique puisqu’ils servent d’apports aux hérons, balbuzard pêcheur, etc…mais quand ces biomasses s’écroulent du fait de la présence d’un animal au point de les anéantir, celui devient alarmant, surtout dans un milieu, nous le rappelons, qui est fonctionnel ! Imaginez seulement quelques poissons pour nourrir tous les prédateurs (loutres, martins…), la survie de ces espèce prédatrices va vite être remise en question. Une question qui ne se posait pas avant l’arrivée du harle !

Et c’est un comble de voir que les pêcheurs qui se sont battus pour les milieux aquatiques, seuls en première ligne, voient aujourd’hui le fruit de leur travail pillé par des espèces allochtones et qui visiblement ne dérange personne malgré leur impact considérable sur des milieux qui s’effondrent et qui vont s’écrouler biologiquement pour ceux qui sont encore en état. Et ce ne sont pas des paroles en l’air. Ce sont des paroles riches de 30 années d’expériences au plus près de la réalité. Mais écoute-t-on ceux qui sont aujourd’hui face au réel, c’est une autre histoire ! La preuve en est que les rivières se font détruire sans qu’aucun service quel qu’il soit ne bouge le petit doigt, ou ne se pose la moindre question à ce sujet. Malgré nos appels et nos différents échanges, nous n’avons reçu aucun soutien ou ne serait-ce qu’une oreille attentive à ce sujet ! Si on était dans le réel et non dans ce virtuel sociétal, on se serait déjà aperçu des dommages collatéraux de ce dérèglement biologique.

Aujourd’hui, les pollutions des rivières sont le cheval de bataille des pêcheurs pour que vivent les poissons et ce qui en découle. Demain, plus de pêcheurs, plus de surveillance, plus de poissons, plus d’oiseaux ! Et pas seulement les harles bièvres…disparition des martins pêcheurs, des hérons, des batraciens, des libellules, et la liste est longue. Cet oiseau est en train de mettre en péril tout un monde qui défend les milieux aquatiques, et, qui, s’il disparaît verra disparaître avec lui toutes les espèces qui s’y trouvent.

Alors il va falloir bien réfléchir : soit on laisse du mou, et on trouve des solutions pour arrêter l’expansion dramatique de cette espèce, soit on ferme les yeux, et la biodiversité n’aura plus que le nom ! Un nom qui est, dans beaucoup d’endroits déjà, plus que l’ombre de lui-même ! De toute façon si rien n’est fait, c’est l’arrêt assuré du monde de la pêche. Peut-être nous direz-vous, certains y trouveront leur compte…

Ce texte a été écrit pour qu’il reste une trace dans les très proches années qui arrivent. On ne pourra pas ainsi nous reprocher de ne pas en avoir parler.

Ce texte n’est pas un écrit rédiger pour polémiquer. C’est un constat. Un constat qui restera à n’en pas douter en l’état et qui n’aboutira peut-être à rien. D’ailleurs, l’aappma n’a pas à se lancer seule dans un combat où tout le monde s’en fout…

A bon entendeur…!!!

Seul ces poissons subsisteront un certain temps, et leur progéniture étant consommée, l’espèce s’éteindra ou végétera !

13 réponses

  1. La situation est identique dans le Haut Bugey (Lange et Oignin pourtant largement maltraités par les pollutions des déversoirs d’orage).

    • albarine

      Oui c’est un problème qui touche toutes les rivières.

  2. Dommage d être de la génération de ce changement, mais aux regards de l évolution de notre planète, je dirais que les biotopes changent et qu il ne faut pas oublié qu avant il y avait des dinausoressur cette terre et que l évolution biologique nous concerne mais nous sommes que des acteurs…

    • albarine

      Des acteurs du changement climatique oui c’est sûr ! Et si ce changement est du coup tout à fait artificiel et provoqué surtout par la pollution, on devrait pouvoir finir le travail en acceptant le nucléaire et faire sauter la planète qui, après tout, est l’évolution logique de la société au même titre que cette dernière provoque le réchauffement climatique. L’évolution sera définitive…si on accepte des évolutions environnementales de ce type, alors cela ouvre la porte à toute sorte de fin…

  3. jib

    Les harles sont un vrai problème sur plus en plus de rivières, c’est vrai. Néanmoins, ce sont des oiseaux qu’on peut approcher beaucoup plus facilement que les cormorans. Je vous laisse en tirer les conclusions qui en découlent…

  4. Je suis touché par votre travail et votre investissement.Je sais qu’alerter n’aboutira à pas grand chose car la plupart des gens ne se préoccupent pas de ça alors que l’environnement est vital pour la survie de l’homme. L’être humain est bien trop préoccupé par beaucoup d’autres choses futiles. Je suis pêcheur de truite et au bord de l’eau toute la saison et je vois bien les ravages du changement climatique. J’ai déjà intégré le fait que d’ici quelques petites années ce poisson aura disparu. C’est triste mais rien n’est fait donc irremediable.Pour autant je continue à porter la bonne parole à tous ceux que je rencontre et merci pour tout ce que vous faites il faudrait beaucoup plus de personnes comme vous pour faire changer les choses

    • albarine

      Merci pour votre lucidité.

  5. Testament écologique.

    • Pour avoir pris ma carte pendant 15ans sur l’albarine c’est maintenant terminé je ne remet pas en cause le travail de Benjamin qui est une personne fantastique pour la protection du millieu malheureusement ces représentants sont actuellement dépassé par les agressions dont subit la rivière la diminution des truites est présente sur tous le linéaire les harles sont présente de partout et laissent des zones avec zéro poissons ! Par endroit les vairons ont quasi disparu les truitelles également seul quelques truites adultes arrivent à passer à travers !, la sécheresse et la canicule ont laissé un biotope apocalyptique et sauf erreur je pense que certains affluents comme la caline sont complètement anéanti de truites 2 pollutions par braconnage ont complètement massacre la rivière c’est vraiment consternant quel volonté à vouloir et pouvoir sauver ce qui ne peut être sauver

  6. Faisant partie du CA de Saint Laurent du Pont (Guiers Mort), vous êtes un exemple pour beaucoup d’entre nous de par tout ce que vous avez pu faire pour la rivière (je dis la rivière et pas les pêcheurs exprès).
    Nous sommes confrontés au même problème avec une densité bien moindre. Mais je suppose que les dégâts doivent être considérables sur l’Albarine pour que vous poussiez ce coup de gueule.
    Nous avons alerté la Fédé… Bien sûr en vain.
    Ne pourrait-on pas créer une sorte d’entente entre les rivières impactées pour avoir un certain poids ?

    • Une petite précision quand je parle de densité, c’est de poissons …

      • albarine

        Bonjour,
        notre fédération oeuvre réellement dans ce sens depuis la nomination du dernier conseil d’administration. Il faudrait très certainement que la vôtre prenne appui sur celle de l’Ain pour faire avancer très sérieusement ce sujet. Nos fédérations se rencontrent régulièrement, notamment dans le cadre de la commission de répartition du Haut-Rhône. Car c’est bien nos instances représentatives qui possèdent le poids nécessaire pour ce dossier.

  7. Bonjour,
    Tout d’abord encore bravo et merci pour votre engagement auprès de cette si belle rivière.
    Question : le lobby de la chasse est sans conteste “assez influent”. N’y aurait-il pas quelque chose à faire avec les fédérations de chasse afin que cette situation évolue ?

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