Parcours entre Chaley et Saint-Rambert-en-Bugeycarte de france

De l’eau…enfin !

De l’eau…enfin !

Après plus de deux mois d’absence, la pluie est revenue, accompagnée par un redoux des températures qui a eu la bonne idée de faire fondre la neige. Tout cela associé, (et il fallait bien çà), a permis à la rivière de se regonfler. Tout cela tombe au bon moment car le dernier wagon de poissons qui n’ a pas encore pondu va pouvoir s’y atteler, notamment sur Tenay et Chaley.

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Pas de doute, le sol commence (doucement) à dégeler. Les mulots et les taupes sont là pour le prouver.

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L’assemblée générale s’est déroulée avec des pêcheurs passionnés et conscients de la richesse de la rivière. Beaucoup de points ont été expliqués, et il y en a un qui prend de la place en ce moment :  celui de la continuité écologique. Nous avons expliqué notre point de vue sur ce “phénomène de mode” et nous pensons qu’il mérite une explication claire de notre part par rapport à notre positionnement.

Un seuil c’est quoi ?

P1070733Un seuil, c’est une structure créée il y a souvent longtemps afin d’utiliser l’eau à des fins diverses. Des origines variées avec des positionnement variés qui font de ces ouvrages des cas uniques en matière de génie civil. Ces seuils sont plus ou moins longs avec des hauteurs de chutes diverses. Ces derniers forment donc des retenues en amont avec des impacts  positifs et négatifs. A l’aval, ils forment une chute due au décalage de hauteur d’eau. Cette chute provoque très souvent des fosses en aval de ces ouvrages. On peut alors estimer qu’une chute de 80 cm offre une fosse d’1,60m (deux tiers /un tiers).

Ces seuils ont évolués avec le temps. Certains sont remplis de sédiments, d’autres abritent de nombreux bois morts et embâcles, d’autres disposent de profondeurs importantes. La structure de ces seuils, pour certains, si elle ne permettait pas de laisser passer poissons et sédiments, s’est dégradée pour finalement offrir un habitat souvent rare dans des secteurs pauvres et permettre aux alluvions de transiter.

S’offre alors un choix vis-à-vis de ces structures puisqu’elles touchent de très près la gestion piscicole et l’état des populations. Plusieurs scenarii s’offrent alors aux gestionnaires. Tout raser et mettre à blanc ces secteurs, les conserver en l’état, les aménager ou alors leur rendre leur fonction première.

Sur l’Albarine, nous avons fait plusieurs choix, sauf un, celui de tout raser et de mettre à blanc. C’est paradoxalement ce qui se passe dans beaucoup d’endroits. Nous avons même poussé le bouchon plus loin en recréant des seuils existants. C’est le cas de celui du Pont de la Violette ci-dessous.

P1070716Le seuil remonté, accompagné de son canal de décharge. Une retenue qui possède avec certitude la plus grosse population de truites de toute l’Albarine en poissons de maille.

L’aappma a conservé l’intégralité des seuils présents sur la rivière sauf deux. Sur Chaley, la plupart servait à l’irrigation des plaines attenantes. Un seuil d’une hauteur de chute de 40 cm a été détruit lors de la restauration de la plaine alluviale de Chaley. Entre conserver celui en aval dont nous allons reparler et détruire celui précité, le choix technique a été facile car sa configuration n’avait que peu d’intérêt en terme d’habitat.

P1070707 Le seuil a été détruit car le projet de restauration était largement supérieur en terme de gains piscicole. En effet, le seuil avait une influence sur une soixantaine de mètres et le projet intégrait plus de 700 mètres d’aménagements.

Par contre, le seuil aval, qui aurait dû être rasé dans le projet initial a été conservé sans aucune hésitation de notre part. Cela pour plusieurs raisons.

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  1. Du seuil, démarre 700 mètres de bras secondaires où les poissons viennent frayer à hauteur de plus d’une centaine de frayères /an. Ces anciens canaux d’irrigation restaurés sont protéger des crues et disposent d’une granulométrie très favorable à la reproduction. Par ailleurs, il existe un système d’auto-épuration de l’eau sur ces bras latéraux tout à fait remarquable.
  2. Le seuil n’est pas un obstacle à la libre circulation des poissons et des sédiments.
  3. La retenue dispose d’un panel d’habitats extraordinaire pour la truite et l’ombre avec des gros sujets.
  4. D’un point de vue halieutique, c’est un poste de pêche hors du commun, que l’on ne peut trouver sur un fonctionnement naturel de la rivière. Difficile à concevoir, il faut l’avouer, mais c’est comme çà !

Le seuil de Cordaret sur la commune de Tenay est le second seuil qui a été ouvert. Nous ne nous étendrons pas sur le sujet puisque les travaux ont eu lieu en en 2016 et très largement commentés.

D’autres seuils, beaucoup plus haut que ceux présents sur Chaley ont eu leur part de travaux. Les deux principaux sont la digue d’Argis et la digue de St-Rambert. Là aussi la question s’est posée quant à leur arasement.

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Il y a une chose à mettre en avant qui, pour nous, pêcheur, est essentielle : la capacité de croissance des poissons. Dans les retenues comme celle ci-dessus, hormis le fait que la ligne d’eau permet à des poissons de toutes tailles d’évoluer, les volumes d’eau qu’elles représentent permettent aux poissons d’être en quête de nourriture permanente avec des dépenses d’énergie beaucoup moins importantes que dans des eaux rapides. Les poissons fourrages, notamment les vairons, prolifèrent dans ces milieux en quantité et en grosseur. C’est indéniable, ces retenues sont des zones de productivité à gros poissons surtout en plus si l’habitat se rajoute aux avantages précédents.

La stabilité alluvionnaire en amont des seuils offre des zones de reproduction aux truites qui trouvent là des alluvions moins en mouvement et plus favorables à la stabilisation des frayères. D’ailleurs, sur la basse Albarine, où malgré des milliers de mètres carrés favorables à la reproduction, les truites frayent toujours dans des zones à l’abri des mouvements alluvionnaires.

Les digues précitées ont donc été équipées de passes à poissons pour garantir la libre circulation des poissons et le transit des sédiments. Alors évidemment, il faut que ces systèmes soient suivis régulièrement.

P1070730C’est pleinement là le rôle d’un technicien de rivière.

En période estivale, se sont des zones refuges indéniables, surtout avec le réchauffement climatique actuel où les débits estivaux deviennent de plus en plus critiques. Le sujet le plus contradictoire sur la présence de ces retenues est sans nul doute le problème du réchauffement de l’eau. Il est évident que de tels volumes peuvent augmenter la température de l’eau et causer à l’inverse des dégradations sur le cours d’eau. Une température souvent associée aux développements algaux dus aux pollutions amont.

Le problème, c’est qu’aujourd’hui, il est beaucoup plus facile d’araser un seuil que de lutter contre les pollutions. Les développements algaux, s’ils sont liés à un réchauffement de la température, sont en fait la conséquence majeure de la pollution de nos cours d’eau. Et là, face aux pollutions , il n’y a plus personne, c’est le “grand blanc”. On a, de fait, basculer tous les problèmes sur un seul état : les seuils, mais on a oublier que 90 % des problèmes des cours d’eau sont à mettre sur le dos des pollutions chroniques et/ou accidentelles. D’ailleurs ce n’est pas en rasant les seuils que les truites ou les ombres referont surface. Si cela apporte des effets positifs, c’est très loin d’être une généralité. Dans beaucoup de zones de cours d’eau, les seuils sont absents et ce n’est pour autant que les poissons sont revenus. Certes on y gagne parfois en nombre d’espèces, mais le facteur limitant n’est pas là.

D’ailleurs ce n’est pas un hasard si nous nous sommes préoccupés de l’assainissement en parallèle de la gestion des seuils entre autre. Comment expliquer que dans les seuils présents dans l’Albarine on y trouve toutes les espèces présentes dans l’ensemble de la rivière, à des biomasses identiques aux autres parties du cours d’eau, avec des poissons de taille largement supérieure à la moyenne. D’ailleurs, et c’est là aussi un paradoxe, on augmente les tailles légales de capture d’un côté, et on enlève l’habitat à gros poissons de l’autre. Une gestion qui tourne en rond !

Bien entendu, une rivière ne doit pas ressembler à une succession de seuils et de plats, bien évidemment, çà coule de source, au cas où certains voudraient s’accaparer l’idée du tout hydraulique où mettre à mal la circulation des grandes espèces migratrices. Le but de cette intervention est simplement de dire que les seuils ont un réel intérêt dans la gestion piscicole et halieutique et que la gestion au cas par cas s’impose dans leur conservation ou leur démantèlement. Le juste équilibre doit être trouvé et ne surtout pas faire oublier que les pollutions sont LE problème majeur de nos rivières.

P1070719Post-Scriptum : cet article n’est que notre point de vue et ne fera pas l’unanimité à n’en pas douter. Notre choix de gestion est d’avoir intégré les ouvrages dans nos actes. A l’heure actuelle, ce choix est payant, c’est une certitude.

4 réponses

  1. Bonjour benjamin, ton explication est très bien et simple, juste pour te dire que ton travail est remarquable merci pour tout ce que tu fais pour nous pêcheurs.
    Il est facile de critiquer pour certains.
    Bien cordialement

  2. Je suis toujours admiratif du travail realisee sur cette riviere au cours des saisons ! C est exemplaire et ce n est pas le cas des pseudos amoureux qui la frequentent quand on constate les detritus divers et malheureusement bien identifies comme ceux de pecheurs et non de touristes ou de locaux peu respectueux de la nature superbe qui les environne !
    Ne changez rien , augmentez les zone de graciations : protegez nos passions , denoncez les pollutions en vous portant partie civile si necessaire !

  3. Merci beaucoup pour ces explications sur les seuils et encore bravo pour la gestion de cette merveilleuse rivière qui nous donne tant de plaisir et qui nous est enviée même en Bretagne

    • @Tezza Claude, vous êtes le Claude Tezza auquel je pense (mon ancien professeur de guitare) ??

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