Parcours entre Chaley et Saint-Rambert-en-Bugeycarte de france

Seuls…

Seuls…

Dans la continuité du post précédent, et afin que chacun comprenne bien ce que l’on vit tous les jours pour défendre l’Albarine, vous trouverez ci-dessous un texte qui résume la situation.

Afin de sauvegarder les populations de poissons aujourd’hui présentes, et garantir l’avenir des rivières bien au delà de la pêche et de l’halieutisme en général, les aappma sont confrontées au passé, au présent et à l’avenir.

Si l’aappma de l’Albarine a travailler grandement à l’évolution de la qualité de l’eau à l’échelle du bassin versant, renouant avec un passé industriel lourd et à des configurations géographiques compliquées dans la résolution des réseaux d’assainissement et des créations de station d’épuration, elle se croyait sortie d’affaires. Une sortie acceptable en ayant su associer à la grande problématique de la qualité de l’eau, l’habitat piscicole. Une interaction indispensable pour des biomasses de poissons fonctionnelles et garantir un équilibre quasi-parfait de la chaîne trophique.

Cet équilibre retrouvé a eu des plus values écologiques exceptionnelles dans la vallée, sur toutes les espèces. L’eau étant un élément de base dans la grande chaîne de la vie, la rivière qui s’écoule au fond d’une vallée a un poids vital dans l’équilibre de cette dernière. Dans les années 1990, les crues centennales sont venues arrachées un équilibre déjà précaire, relique d’un passé, où les égouts étaient rois, les rejets industriels réguliers et destructeurs, les traitements du ballast de la voie ferrée insupportables, et les rectifications hydrauliques liées notamment à cette même voie ferrée impactant considérablement l’habitat piscicole, au même titre que les crues centennales.

Connaissant cet état de fait, l’aappma s’est investie pour palier à tous ces problèmes. D’années en années, les résultats sont là, conscients que les poissons font partis d’un cycle naturel et que leurs développements passe par plusieurs phases et sont le résultat et la corrélation évidente d’un écosystème complexe. Seul bémol, à cette époque, les pêcheurs sont seuls pour monter au créneau face à ces problèmes. Si le contrat de rivière est évidemment présent en terme de financement, la montée en puissance des biomasses de poissons ne doit son salut, en priorité, qu’à la qualité de l’eau. Il faut convaincre, justifier, parlementer, hausser le ton, rabâcher, avoir un sens accru de la réunionite aigüe, pour enfin voir sortir de terre les stations d’épurations et poser les canalisations nécessaires pour mettre un terme à tant de rejets nauséabonds dans tous les sens du terme !

En effet, les pêcheurs sont seuls face à ces problèmes, on n ‘entend pas de sons extérieurs venus prêtés main forte à ce maillon indispensable que sont les truites et les ombres de la vallée…au début, les pêcheurs n’y prêtent guère attention car en parallèle des efforts, les populations de poissons augmentent, la réintroduction de l’ombre commun porte ses fruits, les truites de souche reviennent…l’investissement de l’argent public engagé est efficace sans doute aucun. La gestion locale est un succès car elle est portée par des personnes qui détiennent les tenants et les aboutissants de la démarche, et où “l’extérieur” ne vient pas influencer négativement ces avancées.

Seulement, de fil en aiguille, discrètement mais sûrement, ces fameux éléments extérieurs se mettent en marche, qui commencent à contrecarrer ces investissements : l’homme et sa vision de l’environnement, et l’évolution de cet environnement.

Les activités aquatiques démarrent dans les années 2000, où l’eau est devenue un milieu incontournable pour passer un été serein, où déferle des centaines de personnes sur des milieux fragiles…batailles, négociations, les pêcheurs sont seuls pour expliquer leur point de vue, seul pour défendre y compris les salamandres ou les végétaux inféodés à ces milieux. Force est de constaté qu’aux yeux des autres acteurs, ils ont tort, visiblement !

Les cormorans, appelés à l’époque “le péril noir” prend de l’ampleur, au point que les pêcheurs deviennent chasseurs, conscients de l’impact de ces oiseaux dans des milieux refaits à neuf au bout de tant d’efforts, défendus par eux seuls sur la vallée. La parade est efficace mais rajoute un problème supplémentaire dans la conservation des équilibres biologiques récents. Des équilibres qui peuvent se rompre à tout instant : vidange d’un barrage, dysfonctionnement d’une station d’épuration, d’un déversoir d’orages, éclusées…,même involontairement…expliquant à tous les utilisateurs cet équilibre précaire, mais qui sont surveillés de près par les pêcheurs, toujours seuls, au jour le jour, afin de conserver cet équilibre obtenu au prix de précieux sacrifices.

Le réchauffement climatique qui impacte les débits. Les pêcheurs hurlent, alertent, sur les prélèvements, sur les rivières qui s’assèchent, et ce depuis des années, bien avant l’état actuel dramatique que l’on connait. Les oreilles qui entendent le message sont loin, trop loin, trop éloignées de la réalité. Pourtant il faut sauver les poissons qui garantissent le bon équilibre de l’édifice biologique et qui nourrissent tant d’espèces locales…mais les pêcheurs sont seuls à s’éreinter sous le soleil de plomb pour sauver ce qui peut l’être et continuer à nourrir le martin-pêcheur le restant de l’année, ou le héron cendré.

Les harles bièvres qui déferlent sur des populations de truites et d’ombres que les pêcheurs ont mis tant de temps à faire revenir…seuls…à sauver des souches autochtones qui s’envolent désormais, qui partent en fumée de manière exponentielle jusqu’à compromettre, à nos yeux, le bon état écologique de la rivière.

Alors revenons au début…pourquoi avoir investi autant d’argent avec succès pour en finir là ? Vous avez raison, l’argent ne compte pas, seul le résultat compte ! Mais quel résultat ?

La question est la suivante : mais à part les pêcheurs dans la vallée, qui, en fait, s’est intéressé réellement au résultat final ? Faux semblant, dictat des lois contraignantes ? Après tant d’années et de tels résultats via l’expérience, la technicité, la connaissance d’un milieu aquatique comme une seconde vie, les pêcheurs sont les dindons de la farce ! Pire, leur avis est décrié face aux oiseaux piscicoles et leurs proliférations, aux travaux malmenés, leurs avis ne comptent pas. Seuls l’acceptation de bureaux d’études a valeur de jugement.

Systématiquement, les yeux et les oreilles des poissons que représente l’aappma est remis en question dès que cette dernière avance un argument. Alors là, on ne comprend pas très bien comment le système fonctionne. Très bizarrement, lorsque les rivières s’assèchent l’été, on ne voit pas d’autres structures quelle qu’elles soient venir en aide aux poissons. Vous nous direz c’est notre rôle, logique. Mais les poissons sauvés participe au nourrissage de bien des espèces, qui sans poissons, seraient évincés des écosystèmes depuis longtemps ! Serions-nous les seuls à comprendre cet état de fait que pour garantir la survie d’un martin-pêcheur ou d’une couleuvre vipérine il faille que la rivière lui offert en plus du gîte, le couvert ? Les pêcheurs veulent bien prêter main forte indirectement à toute la chaîne alimentaire, mais pas en étant traités de pourfendeurs de l’écologie à tout point de vue !

L’écologie, on y arrive. L’écologie, la science de l’habitat, voilà des termes appropriés qui ont du sens ! Merci l’étymologie ! La science de l’habitat. L’essence même de ce que les pêcheurs de l’Albarine ont défendus depuis tant d’années. Ceci afin de retrouver un milieu fonctionnel. Des années de recherches et de compréhension du fonctionnement de la rivière sur le terrain, tous les jours. Qui, avec un tel recul, ne serait pas force de proposition envers tous les problèmes qui s’accumulent sur nos rivières et donc sur nos têtes ? Qui, de ce fait, ne serait pas écouté face aux oiseaux piscivores et leurs impacts, sur les effets néfastes de l’assèchement des rivières, sur les travaux opérés malencontreusement, etc…

Et bien, chers lecteurs, on va vous faire une confidence : suite à cet agencement de projets, de résultats pourtant voulus soi-disant par la société qui crie continuellement au bon fonctionnement de la nature, l’aappma, lorsqu’elle avance des propos sur le fonctionnement des milieux aquatiques n’est visiblement pas à la hauteur. Pire, des menteurs parfois qui ne pensent qu’à eux-mêmes et leurs poissons ! Mais comment des gens qui ont travaillé pendant des années en intégrant tous les paramètres de l’écosystème rivière pourrait ne penser qu’à eux-mêmes au détriment du reste ?

Décidemment, les gens de terrain sont des bons à rien ! La valeur des choses et des opinions ont bien changé. La vérité n’est plus une valeur sûre, et l’expérience acquise n’est plus force de propositions face à une société virtuelle qui passe son temps à gérer l’écologie en oubliant que la nature se vit parce qu’elle fait partie de nous, et ne s’échange pas sur les réseaux sociaux.

Le virtuel a remplacé la réalité et le gouffre entre la nature et l’homme est en train de s’agrandir paradoxalement dans un monde où l’on cherche à sauver la planète. Plus on avance, et plus on s’écarte de la réalité. Alors comment voulez-vous sauvez les rivières, où les gens qui les comprennent et qui les ont faits revivre, sont considérés comme des malpropres, ou des gens méprisants. Des termes à la hauteur de notre ressenti et de notre incompréhension face à ce qui ce passe.

Va-t-on laisser courir encore longtemps cet arrêté d’interdiction du tir du cormoran couplé à la prolifération des harles bièvres de plus en plus favorisés par le réchauffement climatique ? Naturel cet état de fait ? Il faut faire des études nous dit-on pour les pêcheurs et gestionnaires que nous sommes. Nos avis sont évincés systématiquement. Mais qui dans ce pays peut connaître mieux que nous les poissons ? On fait confiance aux gestionnaires de l’avifaune, mais pas aux gestionnaires de la faune piscicole. Pourquoi ? Chacun se posera les bonnes questions et se fera ses réponses. Mais une chose est sûre et certaine : si les biomasses piscicoles continuent à décliner à la vitesse actuelle, les oiseaux piscivores vont suivre le même chemin. Ce n’est pas nous qui l’avançons, c’est ce qui se lit partout dans les livres et qui s’appelle la chaîne alimentaire ! Alors soit tout le monde comprend et avance dans un état d’esprit collectif, soit on va dans le mur ! Moins les poissons nageront, moins les oiseaux piscivores voleront !

Pour conclure cet article, nous vous avons mis ci-dessous, notre conclusion sur les travaux de Torcieu réalisé par le SR3A, et qui a fait l’objet d’une distribution à tous les acteurs via une réunion plénière. Les jours raccourcissent, profitez-en pour lire et comprendre ce qui se passe…bonne lecture !

2 réponses

  1. Votre dossier est très intéressant et compréhensible, même pour un néophyte comme moi. Félicitations pour tout ce travail !!!
    Je ne comprends pas qu’avec l’expérience que vous avez acquises au fil des années, on ne vous a pas plus écouté lors de ces foutus travaux ! On marche sur la tête.

    • albarine

      Merci pour votre analyse. Comme vous l’aurez compris, nous ne sommes pas là pour notre ego personnel, mais bien pour nos rivières, et c’est très certainement ce qui différencie notre pensée de celle des autres.

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