Parcours entre Chaley et Saint-Rambert-en-Bugeycarte de france

Une fin d’année en crue…

Une fin d’année en crue…

Tout d’abord tous nos vœux pour cette nouvelle année qui commence. Après une fin d’année élective où le bureau a été reconduit avec quelques nouveaux arrivants venus prêter main forte, l’aappma a pu souffler un peu côté paperasses, ces périodes étant très souvent synonyme de finances et de documents administratifs à la française !

De la neige et de l’eau en cette fin décembre/début janvier…

Les chutes de neige qui s’étaient amoncelées sur le plateau combinées aux précipitations, ont élevé le niveau de la rivière à quasiment 130 mètres cube/seconde. Un débit élevé et inégalé depuis les dernières crues centenales de 1990 et 1991. Un débit largement moindre certes puisqu’on avait alors relevé 234 m3/sec. lors de la crue du 14 Février 1990. Mais tout de même, aucune crue aussi puissante n’avait eu lieu depuis que l’aappma s’est lancé dans sa politique de reconquête des milieux aquatiques. Par conséquent, tous les travaux réalisés depuis, y compris ceux de cette année, ont vu passer la crue.

Ces crues, à effets multiples, sont soient réparatrices, soient destructrices. Le débit étant le facteur clé de ces effets, évidemment. Un cours d’eau déjà déséquilibré par le fait de curage, notamment, d’endiguement, ou autres effets anthropiques, va continuer à s’enfoncer, surtout s’il ne trouve pas matière à regarnir son profil et son équilibre par le biais d’apport d’alluvions et de sédiments. Ce principe d’aller chercher encore plus en profondeur les éventuels graviers qui lui permettrait de refaire son lit mineur, forcé par la main de l’homme, provoque encore davantage de dégâts. C’est sur ce point essentiel que l’aappma a travaillé depuis 25 ans : rééquilibrer la rivière. Car pour le coup, les deux crues centenales des années 90 avaient eu un effet dévastateur sur la rivière. Et comble après ces crues, l’homme avait encore trouver le moyen de curer la rivière par endroit, là où la rivière avait réussi à se rééquilibrer. C’est le cas au pont de la violette où des curages en règle avaient eu lieu à coup de tractopelle, où encore dans les retenues des micro-centrales. D’autres secteurs de la vallée avaient également reçu le même traitement.

En curant les rivières, l’enfoncement du lit provoque le déchaussement des berges, met le système racinaire des arbres à nu en période d’étiage et enlève de ce fait un habitat considérable aux poissons et autres invertébrés. Des contraintes pour la rivière qui en apportent d’autres en cascade. Le déchaussement des ponts en est le plus parlant !

Donc cette crue a été un test pour tout ce que l’aappma a réalisé depuis des années. Cela concerne les travaux sur les zones inondables, les restaurations hydromorphologiques, la pose de blocs…

Pour pouvoir obtenir une rivière qui s’équilibre, il faut que l’aval et l’amont soit en phase. C’est l’aval qui dicte le fonctionnement amont. En clair, si vous voulez qu’une fosse se creuse, ce n’est pas le tout de la créer, il faut qu’elle se maintienne. En effet, si la rivière est déséquilibré, en voulant retrouver son équilibre, le trou que vous aurez creusé va se reboucher, car la rivière se sert des cailloux présent dans le fond de son propre lit et du coup uniformise tout son profil. Vous n’aurez alors plus des profils fosses, radiers avec différentes vitesses de courant et de hauteur d’eau mais une structure uniforme.

Donc la clé de voûte se trouve dans le rapport que vous voulez bien donner à la rivière entre le point amont et le point aval ! Un exemple du résultat de cet effet : le secteur recréé en 2013 entre St-Rambert et Argis. Un secteur qui évolue tous les ans mais qui a fourni un rendu très explicite de ce que peut être une zone qui se rééquilibre.

La fosse qui a été profilée en 2013 n’a eu de cesse de s’approfondir et de se prolonger. Pour information, elle s’arrêtait au niveau des saules sur la berge opposée, soit une quinzaine de mètres linéaire. Aujourd’hui, elle a plus que triplé sa longueur, doublé sa largeur et doublé sa profondeur où on frise les trois mètres. Inutile de vous dire que dans des secteurs comme celui-ci, on tient du beau monde au frais toute l’année côté poissons ! Surtout quand on a rajouté, lors des travaux, des blocs pour augmenter l’habitat !

Mais tout cela a été rendu possible par l’équilibre en aval de tout ce système, par la création d’un système de soutien. Un système en forme de seuil qui équilibre le rapport fosse radier.

En amont direct du seuil, le rééquilibrage est très net : la rivière travaille en déposant et en créant des virages. Sur ce secteur, elle a la possibilité de trouver des matériaux en rive droite qui vont aller équilibrer la rivière plus bas et reprofilé l’aval direct qui a été revu aussi par nos soins lors d’autres opérations. Mais également de faire varier sa courbure et du coup en créant une nouvelle fosse au droit de ce tracé. En rive gauche, elle a conservé et déposé une partie des matériaux issus de la fosse qu’elle a creusé en amont. C’est le système fosse / radier. C’est grâce à ces trois aspects, érosion des berges, de fosses, et dépose de matériaux que la rivière fonctionne. Sans cela, la rivière se déstructure.

Mais nous direz-vous, pourquoi est-ce si important pour les pêcheurs ? Tout simplement par ce fonctionnement conditionne à lui seul l’habitat piscicole et donc les structures des populations de truites et d’ombres qui peuplent l’Albarine. Par exemple, le tas d’alluvions déposé là va se végétaliser en priorité en saules et créer d’une part de l’ombre, mais d’autre part des systèmes racinaires et des branches favorables aux développement des poissons.

On voit très nettement sur cette photo que la fosse a subi une dynamique récente. Seule condition à cette fabuleuse transformation : l’équilibre amont / aval.

Cette explication est valable dans des secteurs où l’homme a la place pour recréer ce type de dynamique. Sinon, il peut intervenir comme on l’a fait sur plusieurs portions de l’Albarine, en réajustant la hauteur d’eau et l’équilibre par la pose de blocs qui permettent en les plaçant judicieusement d’absorber ou de diminuer en partie les zones de rivière qui ont été rectifiées.

Ci-dessous les blocs qui ont été déposés cet automne en amont de la prise d’eau de la centrale hydroélectrique de Tenay, en complément des travaux juste en amont . Des blocs qui participent au rééquilibrage de la rivière en maintenant des lignes d’eau favorables aux dépôts de graviers et en creusant le lit en aval direct où bien à l’emplacement même où il sont été positionnés. Bien plus que le simple habitat piscicole qu’ils fournissent, ils sont les éléments clés du rééquilibrage de la rivière. Dommage que notre discours qui est pourtant vérifié et vérifiable sur cette dynamique d’ensemble est pris, à notre sens, un peu trop à la légère, au vu des résultats. Pour preuve, l’agence de l’eau a décidé ne plus les subventionner.

La preuve avec le complément de ces travaux juste en amont où là aussi la crue a eu un effet positif…

Les travaux entre le pont de la Violette et la centrale hydroélectrique des Essaillants ont été terminés cet automne comme nous vous l’avions déjà précisé lors d’un précédent billet. Restait alors à la rivière de déterminer les contours; notamment son nouveau lit majeur tout en retravaillant son lit mineur. C’est chose faite !

Une petite succession de photos afin de bien s’apercevoir du changement…

En aval du parking de la cabane de chasse, l’épi créé en amont des blocs disposés comme expliqué sur la photo précédente a eu son effet ! Par le biais de ces grosses pierres positionnées en aval et le rétrécissement du lit du fait de l’épi, la rivière a creusé un chenal qui a permis le dégagement d’une sous-berge sur la rive opposée. Une sous-berge profonde et riche en habitats par le fait que le système racinaire présent à cet endroit est conséquent. De plus, les blocs qui ont servi à configurer l’épi ont marqué un profond en leur lieu et place et vont faire profiter de leurs habitats à de très jolis poissons. Dans des secteurs où le rouleau de graviers qui se déplacent est important, la taille des blocs a elle aussi son importance. C’est pour cette raison que l’épi a été réalisé avec des gabarits de blocs entre 1,5 et 3 tonnes.
En face de la cabane de chasse juste au dessus de l’épi, la rivière a continué sa recharge sédimentaire et les blocs d’un gabarit plus léger ont joué leur rôle de régulateur dans la répartition des débits. Ainsi, certains sont toujours là pour jouer leur rôle d’abris tandis que d’autres retiennent la masse alluviale…
…du coup, et c’était le but, la rivière a déposé du gravier à nouveau tout autour de l’île. Dans le bras principal comme dans le bras secondaire. Toujours cette notion d’aval / amont. Et il était temps car l’île était en train de disparaître à petit feu du fait de l’enfoncement de la rivière à cet endroit.
On s’approche du pré, en lieu et place de la connexion entre l’ouverture du pré en zone inondable et le bras secondaire d l’Albarine…
…et voilà la parcelle après le passage de la crue. Une magnifique dynamique sédimentaire où l’ouverture du pré pour le passage de l’eau a rendu possible ce dépôt de sable fin et le déplacement d’un certain nombre de mètres cubes de graviers. Idem dans le lit mineur de la rivière qui s’est rééquilibré et s’est recreusé sur toute la longueur du pré, y compris dans la fosse qui fait office de réceptacle pour le ruisseau du Violet.

C’est aussi pour cela que l’aappma a racheté tant de parcelles en bord de rivière. Car aujourd’hui, si on peut prétendre à de telles zones inondables, c’est bien parce que les pêcheurs sont propriétaires. Car ces parcelles pourraient être soumises à d’autres destinations que de servir le fonctionnement biologique de la rivière. Où alors travailler avec des personnes comme cela a été le cas en amont, aux Essaillants, qui ont compris tout l’intérêt de faire revivre l’Albarine.

Direction l’amont du pont de la Violette et la centrale hydroélectrique…

Quelques photos pour voir l’évolution depuis les crues de fin novembre…où vous le verrez la rivière a conservé son profil d’écoulement tout en prenant ses aises !

Magnifique lien entre les blocs disposés issus du site des travaux, et les vitesses d’écoulement que la rivière leur a configuré par l’apport d’un rééquilibrage alluvionnaire. A noter au premier plan le lessivage de la berge par la crue qui a rendu tout son naturel à cette rive. Ceci est valable pour toute la longueur de la zone retravaillée.
Le chemin en rive gauche est resté intact grâce au rééquilibrage du fond du lit. La présence des blocs servant d’habitats que l’aappma a disposé ont, on vous l’a dit, plusieurs fonctions. Dont celui de maintenir le profil de la rivière. Sans eux, il y a fort à parier que le chemin n’aurait pas eu le même état de conservation après le passage de la crue !
Une souche retournée qui est resté bien implantée et qui sert d’accueil aux poissons. L’avantage dans ces zones inondables, c’est que les forces tractrices du courant officie pour le bien de la rivière, mais ne détruise pas, mais construise. C’est pour cela qu’il est intéressant de travailler dans ces zones qui ont toutes les qualités requises pour restaurer une rivière. Encore faut-il bien prendre tous les éléments en compte et ne pas en oublier. Sinon les résultats des travaux offrent souvent l’inverse de ce que vous en attendiez !
La partie la plus ouverte de ce secteur en terme de largeur, qui a récupéré en aval et en amont de cette grosse pierre centrale, un joli banc d’alluvions qui sert déjà de zone de reproduction. La nature, quand cela lui convient, n’attend pas.
Le secteur où l’on a conservé une partie de l’ancien mur du fait de la capacité d’accueil qu’il représentait. La rehausse du profil en aval grâce à la mise en place de blocs lui a encore donné un peu plus d’attrait piscicole du fait d’une lame d’eau plus élevée.
Quant aux gros blocs…
…on vous laisse apprécier l’effet de ces derniers !
Et enfin pour terminer sur ce secteur, une configuration de rivière retrouvée après la démolition des murs…
…il ne manque plus que le végétal désormais…
…la restructuration globale est faite !

Ailleurs, la crue a eu les mêmes effets que sur les travaux qui viennent de vous être présentés !

C’est à dire que toute la rivière s’est rééquilibrée et qu’elle nous a offert une capacité d’accueil exceptionnelle pour les poissons tant en libérant les nombreux habitats qui avaient pu être comblé lors de petites crues précédentes, ou bien par le creusement encore plus prononcé de profond et de fosses.

La déviation d’Argis, très en mouvement où se côtoie végétal et minéral…
…avec une succession de fosses et radiers bien marqué !

Et côté frayères…

Et bien çà gratte toujours, après le passage de la crue…Difficile de vous gratifier des frayères en construction du fait des débits toujours un peu fort. Il est évident qu’à la vue du déplacement du système alluvionnaire lors de la crue, les premières frayères ont été bien malmenées, sauf sur certain secteurs bien à l’abri. L’avantage sur l’Albarine est que la fraie se déroule jusqu’en février, ce qui laisse toujours une sacrée marge de manœuvre pour voir aboutir les futurs alevins.

Et pour terminer un petit tour sur un autre secteur en images sur Chaley…

Quantité de porte-graviers sur le fond du lit malgré la crue. La nature est vraiment bien faite !
Un lit qui s’est déplacé en rive droite avec une jolie profondeur…Pour information, les blocs qui font partie désormais de la rive gauche avaient été positionnés au milieu du lit à l’origine des travaux.
Une surlargeur…
Ces zones de liberté permettent aux embâcles de s’y arrêter et produisent ainsi de l’habitat…
…ceux que l’on avaient fixé ont tenu le choc !
Joli atterrissement en rive droite qui force la rivière à prendre un virage qui redynamise à nouveau la partie aval…
Le même sous son angle aval…
Là aussi, mélange de graviers, de blocs, et de végétal qui trouvent leurs équilibres au fil des crues…
Un secteur où les frayères ont été laissées tranquille pendant la crue…de très beaux poissons y sont passés avec des robes zébrées magnifiques. Et que dire de la grosseur de la tête de certains mâles !

Une dernière photo pour bien nous rappeler la période du moment !!!

11 réponses

  1. Bravo à vous pour tout ce que vous faites pour cette si belle rivière !
    Si les AAPPMA pouvaient vous prendre en exemple…

  2. Excellent article. Merci beaucoup pour ces retours. En effet la nature est bien faite !!!

  3. Meilleurs voeux à vous et votre équipe.

    Lecture passionnante et fort bien documenté.
    A bientôt

    • albarine

      Merci et meilleurs vœux également pour cette nouvelle année !

    • Quels travaux au dessus de la Viollette!
      J’ai bien l’impression que je ne vais pas reconnaître l’un de mes secteurs préférés, si ce n’est mon préféré.
      Ça me fera une bonne excuse en cas de bredouille.
      En tout cas bravo à toute votre équipe, équipe dont j’aurai aimé faire partie si j’habitais un peu plus près .

  4. Que dire sur reportage qui en dit long sur les travaux réalisés sur cette riviere beaucoup devrait prendre l’exemple pour sauver ce qu’il peut l’être certainement une des plus belles riviere de France merci Benjamin et aux autres pour le travail accompli à plus olivier

    • albarine

      Merci Olivier pour ton soutien et tous nos vœux pour cette nouvelle année qui commence !

  5. meilleurs vœux pour cette nouvelle année,
    cela fait du bien de pouvoir vous lire de nouveau à l’approche de l’ouverture, et de voir tous ce travail que vous accomplissez jour après jour et année après année.
    encore merci pour votre engagement et de la bienveillance d’on vous faites preuves .
    bien à vous

    • albarine

      Merci à toi Jean-Louis et meilleurs vœux également !

      • Bravo pour ce travail et merci pour ce compte rendu, c’est super d’avoir des explications et de mieux comprendre la rivière. Et très belles photos !

  6. Bravo pour votre gestion de rivière toujours aussi dynamique et exemplaire !

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